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En couverture d’Europa Star Numéro 5/2012: Tudor, un héritage transfiguré

October 2012


Tudor, dont tous les observateurs auront noté le très net retour en forme, s’appuie avec succès sur son passé pour bâtir son futur. Tudor ose affirmer avec force sa propre identité en allant puiser dans sa riche histoire (son nom a été déposé par Hans Wilsdorf en 1926 déjà, mais la marque a pris son premier véritable essor dès 1946).

Une ligne est particulièrement emblématique de ce vigoureux repositionnement sur ses propres bases. Logiquement dénommée Heritage, elle est à la source des plus récents succès de la marque, reprise en mains depuis 2010 par une nouvelle et jeune équipe attelée à renouer avec une clientèle jeune, urbaine, cosmopolite, techniquement exigeante mais attentive au style, à l’élégance, voire à une certaine émotion pouvant se dégager du produit.

Deux premières étapes

Première étape vraiment marquante de cette stratégie “back to the future”: l’Heritage Chrono lancé en 2010 et qui devient immédiatement l’icône de la marque. Redonnant un nouveau souffle à la Tudor Oysterdate Chronograph des années 1970, ce modèle en revisite méthodiquement les codes pour les adapter à l’esprit du temps. Sa taille passe de 40 mm à 42 mm et toutes ses lignes sont retendues, donnant à la pièce une vigueur nouvelle. Mais son visage reste immanquablement vintage, avec son cadran gris, noir ou noir et gris souligné de détails orange et ses index blancs pentagonaux travaillés de façon à accentuer leur effet tridimensionnel. Un “détail” frappe aussi tout le monde: l’Heritage Chrono est monté soit sur acier soit sur un superbe bracelet en toile tissé de bandes noires, grises et orange, et dont la boucle est directement inspirée des ceintures de sécurité de l’époque. Soudainement, cette pièce datant de 2010, parfaitement en phase avec son temps, semble presque plus authentique que l’originale dont elle s’inspire. C’est sans doute là une des clés de son succès.

Deuxième étape de cette reconquête de son propre patrimoine en 2011 avec la Tudor Heritage Advisor. Là, c’est une pièce de 1957 qui est revisitée de fond en comble. La fonction réveil de cette pièce automatique dotée d’un module additionnel reste inchangée, mais en passant d’un diamètre de 34 mm à un bien plus contemporain 42 mm tout en conservant les proportions de la boîte, l’élancement des cornes, la pureté du cadran, elle acquiert une vigueur nouvelle. Elle se présente désormais en titane et acier, alternant subtilement polissages et brossages. Techniquement aussi, son mouvement est entièrement revisité et un nouveau module additionnel de réveil est conçu par Tudor. Comme on ne change pas une équipe qui gagne, qu’elle soit sur métal ou sur cuir alligator, un deuxième bracelet tissé, intégralement noir celui-ci, qui ne déparerait pas avec un smoking est offert.

TUDOR HERITAGE CHRONO
TUDOR HERITAGE CHRONO

TUDOR HERITAGE ADVISOR
TUDOR HERITAGE ADVISOR

Plongée aux sources

La troisième étape se déroule en ce moment, en compagnie de la Tudor Heritage Black Bay. Ici, il faut retourner en arrière, jusqu’en 1954, pour trouver la source d’inspiration de cette montre de plongée. Cette année-là, Tudor sort coup sur coup deux montres de plongée, une première, étanche à 100 m, suivie par une seconde, étanche à 200 m, toutes deux sans indication de date. La nouvelle Black Bay de 41 mm fait en quelque sorte la synthèse de certaines des montres de plongée les plus iconiques de Tudor, telles les pièces historiques que sont les références 7922 et 7924 (couronne de 8 mm) ou les emblématiques “Snowflake” que sont les références 7016 et 7021. Elle renoue ainsi avec la longue histoire des relations entretenues par Tudor avec le monde de la plongée (que l’on pense simplement à la montre de plongée professionnelle Tudor Prince Submariner adoptée par la marine américaine puis par la marine française). La Tudor Heritage Black Bay, montre étanche à 200 m sans date, conserve ainsi la structure générale et le design de la pièce originelle, sa fine lunette tournante unidirectionnelle qui entoure un cadran bombé et une glace aussi légèrement bombée, autrefois en plexi aujourd’hui en verre saphir. Elle conserve aussi le dessin de sa carrure, avec ses cornes fines et allongées, le biseau de son entrecornes, ses gros index luminescents et ses fameuses aiguilles “Snowflake” (une demande exprimée à l’époque par les plongeurs de la marine française afin de mieux différencier en eaux troubles l’aiguille des heures de celle des minutes). Mais une multitude de petits détails lui donnent sa nouvelle allure pleinement contemporaine, à l’image du fin crantage de sa lunette tournante ou de sa grande couronne de 8 mm marquée de l’emblème de la Rose de Tudor. La couleur bordeaux foncé très particulière de sa lunette provient des archives de la maison, repérée sur une pièce du début des années 80. Son allure vintage est renforcée par de subtils décalages, un “vieillissement” maîtrisé, à l’image de son cadran noir poudré de chocolat ou de son échelle d’un or tirant sur le bronze ou encore l’or rose qui enserre ses index et ses aiguilles “Snowflake”, jusqu’au beige clair du revêtement luminescent (qui devient vert dans le noir). Autant de fines touches qui confèrent à cette pièce son aspect original. Dotée d’un mouvement automatique, elle est offerte sur acier ou cuir vieilli et, dans tous les cas, s’accompagne aussi de l’immanquable bracelet tissé, ici d’un noir profond et plus épais que d’ordinaire, question de robustesse essentielle.

TUDOR HERITAGE BLACK BAY
TUDOR HERITAGE BLACK BAY

Prêt pour les grands fonds

plongée se nomme Pelagos. Dans ce cas, il s’agit moins de la remise en forme d’un modèle précis du passé que d’une synthèse d’éléments divers puisés dans ce passé, à l’image, stylistiquement parlant de ses étonnants index carrés ou de ses aiguilles “Snowflake”. Mais si cette identité reprend ainsi des codes historiques, elle les recompose et s’en joue de façon à proposer une pièce inédite et puissante. Véritable instrument de plongée, la Pelagos est d’une forte technicité. Etanche à 500 m et donc dotée d’une valve à hélium, équipée d’un mouvement mécanique à remontage automatique, elle est taillée dans du titane entièrement satiné qui lui donne un aspect brut et une patine qui accentue son aspect sportif et professionnel. Sa lunette unidirectionnelle est réalisée en titane avec disque noir en céramique mat microbillée aux indications recouvertes de matière luminescente blanche. Développée en conjonction entre ingénieurs et plongeurs professionnels qui l’ont régulièrement testée à -40 m dans les eaux troubles,à cette profondeur, du Lac Léman tout proche du siège de Tudor, elle est ainsi dotée d’une innovation qui intéressera plus d’un amateur de plongée. En effet, les plongeurs professionnels ont fait remarquer aux ingénieurs de Tudor que, sous la pression aquatique, le tour de poignet du nageur pouvait perdre jusqu’à 17 mm de circonférence. Le bracelet en titane brossé de la Pelagos a ainsi été doté d’une boucle dite “intelligente”. En fait, il s’agit d’un système breveté de glissière à trois positions qui, en plus du classique premier mécanisme de rallonge, permet un fin réglage automatique. En effet, grâce à un mécanisme à ressort, la boucle devient auto-rétractable et se tend ou se détend toute seule, s’adaptant automatiquement aux variations de la taille du poignet soumis à plus ou moins grande pression. La Pelagos est aussi disponible avec un bracelet caoutchouc doté d’un troisième brin que l’on peut simplement adapter en tirant dessus.

TUDOR PELAGOS
TUDOR PELAGOS

Synthèses

Non pas rééditer à l’identique des pièces anciennes mais en capturer l’esprit, en saisir l’essence iconique. Synthétiser les apports stylistiques du passé et les exprimer de la façon la plus contemporaine possible. Reprendre les fonctionnalités tout en leur apportant des améliorations techniques. En quelques mots, on peut résumer ainsi la démarche gagnante de Tudor. S’appuyant sur une communication d’une grande efficacité graphique et dont les repères – notamment le rouge et le noir, omniprésents - lui donnent une forte identité, s’accompagnant d’un environnement spécifique aux contours marqués – sportivité affirmée avec vigueur mais avec grande élégance, esprit vintage mais contemporanéité évidente -, Tudor a pleinement retrouvé sa place autonome dans le concert des marques. Elle s’adresse ainsi à des consommateurs jeunes, sensibles au style. Nombreux d’ailleurs, parmi les clients de la marque, sont ceux qui ignorent les liens organiques qui lient Rolex et Tudor. Mais s’ils l’apprennent, ils ne peuvent être que confortés dans leur choix – si par hasard ils en avaient besoin.

“Un concentré d’humain”

Pour réaliser ses fameux bracelets en tissu, Tudor collabore avec une manufacture historique, un des derniers “rubaniers” artisanaux existant (confidentialité oblige, nous ne pouvons pas donner le nom de cette maison).

Etonnant de se rendre compte à quel point l’horlogerie, dans ses aspects manufacturiers les plus artisanaux, et un art comme celui de la fabrication de rubans, sont proches! Ici, comme dans l’horlogerie, le savoir-faire et la main de l’homme continuent à jouer un rôle essentiel, quand bien même ils s’associent à des technologies parfois ultra-modernes. Ainsi, si les rubans sont aujourd’hui dessinés sur ordinateur ou si leur fabrication peut faire appel à des matériaux de pointe, leur production artisanale se fait toujours sur des métiers à tisser aussi antiques que sophistiqués. La souplesse et “l’intelligence” de la main restent fondamentaux, notamment dans la préparation, le lissage, la tension des fils qui viendront tisser le ruban. Ici aussi, comme en horlogerie, la minutie, la précision et la formation jouent un rôle capital et “les temps nécessaires” ne sauraient être compressés, sauf à l’être au détriment de la qualité. Autre troublante analogie: on dit d’un métier à tisser en action qu’il “bat”. Et pour connaître la solidité d’un ruban, on demande: “à combien bat-il?”. Ou, comme le dit la directrice de création de cette entreprise, “un ruban est un concentré de technique, d’esthétique, d’harmonie, de goût… un concentré d’humain.” Ne pourrait-on pas dire de même de l’horlogerie?

Source: Europa Star Première Vol.14, No 5