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Exclusif: Accurat Swiss - Opération K1

August 2013


Aux alentours de 2006, alors que se mettent en place les premières mesures de diminution des livraisons de mouvements par ETA, un petit groupe de gens se réunissent, tels des comploteurs.

Parmi eux, il y a Andreas Felsl, un entrepreneur allemand, spécialiste des brevets et qui, entre autres nombreuses activités, a inventé Bionicon, un système d’amortisseurs qui équipe les meilleurs vélos tout terrains du monde, et a créé en Allemagne une compagnie de cycles élue six fois de suite comme étant la meilleure de sa catégorie.

Il y a aussi Tzuyu Huang, une femme d’affaires installée à Bienne, CEO de Momoplus AG, une compagnie prospère qui livre des composants horlogers, boîtes, cadrans, aiguilles, bracelets... bref, tout sauf des mouvements. Ce qui, au moment où leur rareté s’organise, risque de poser quelques problèmes d’approvisionnement. L’idée naît alors de se lancer dans une folle aventure: et si nous concevions, construisions et fabriquions notre propre mouvement de base! Compétitif et donc produit industriellement! A 100’000 exemplaires au minimum, c’est assurément un très gros défi. Une face nord escarpée à escalader... d’où le nom K1, donné à cette véritable “expédition.”

Andreas Felsl and Tzuyu Huang
Andreas Felsl and Tzuyu Huang
Achim Huber, Jonas Nydegger and Stephan Kussmaul
Achim Huber, Jonas Nydegger and Stephan Kussmaul

La compagnie Accurat Swiss AG est fondée, deux ingénieurs et un consultant en stratégie rejoignent bientôt l’équipe, bien décidée à travailler dans la plus grande discrétion. Parmi eux, Achim Huber, un consultant en stratégie industrielle, va s’occuper de piloter le développement du projet industriel. Stephan Kussmaul, horloger et ingénieur, va se charger du mouvement lui-même. Avant de rejoindre Accurat Swiss en 2009, Stephan Kussmaul était à la tête de la R&D d’Eterna, en charge du développement des mouvements de cette maison qui, ironie de l’histoire, est à l’origine de la création d’ETA. Auparavant, il a travaillé comme horloger chez Patek Philippe. A ses côtés une autre recrue vient en appoint, Jonas Nydegger, lui aussi ancien de chez Eterna où il s’occupait précisément du développement des processus d’industrialisation de la fabrication des mouvements.

“Vous êtes fous, il vous faut 100 millions”

L’objectif de l’équipe est donc de développer et d’industrialiser la production d’un mouvement de base, plateforme à laquelle on puisse facilement ajouter de nouvelles fonctions. Un mouvement qui ne soit en rien un quelconque “clone” mais reste “ETA-compatible” au niveau de son encageage. Et, surtout, un mouvement de qualité qui puisse être vendu à un prix tout à fait compétitif.

Les sceptiques sont nombreux et la recherche de venture capital se révèle difficile. “Vous êtes fous, il vous faut 100 millions” est la réponse standard à laquelle ils se heurtent. Va donc pour la voie autarcique! Après coup, Andreas Felsl et son équipe pensent que ça a été une chance que de ne pas voir trouvé un très gros investisseur: “nous y sommes allés plus modestement, pas à pas, en toute autonomie et en autarcie, sans brûler aucune étape. Aujourd’hui, nous en récoltons les fruits.” Il n’empêche que la lente ascension de ce K1 a été émaillée de difficultés. Si la petite mais très performante manufacture d’Armin Strom leur a ouvert ses portes, afin d’y usiner les composants pour les premiers prototypes, le problème de l’assortiment a été plus sérieux. Après deux ans de recherches infructueuses, Andreas Felsl, qui ne vient pas de l’horlogerie et n’a donc pas les mêmes inhibitions que les horlogers, s’est mis à examiner de plus près les brevets déposés autour des assortiments en silicium. Il a constaté que si tout avait été fait pour empêcher d’autres acteurs d’utiliser cette technologie, de nombreuses failles existaient. “Nous avons fait de nombreuses recherches et trouvé de nouvelles solutions, n’empiétant pas sur les brevets existants. Nous avons tout fait pour ne pas pouvoir être attaqués, nous avons trouvé un fabricant en Allemagne, qui est à l’origine de la technologie du silicium, et nous sommes ainsi parvenus à produire notre propre spiral et notre roue d’échappement en silicium.”

A quoi ressemble le K1?

Quelques années ont donc passé, nous sommes à la mi-2013 et le K1 débute son existence réelle, avec une première série de 40 mouvements-prototypes qui sont en plein tests.

Mais à quoi ressemble le K1?

D’un diamètre de 25,4 mm – un des diamètres les plus usités -, un peu plus épais (4.95 mm) que son homologue ETA 2824, le K1 est un mouvement automatique formé de 110 composants pour sa configuration de base et jusqu’à un maximum de 160 composants pour le modèle le plus complexe. Il est doté d’une réserve de marche minimale de 45h et bat à la fréquence assez inusitée de 3.5 Hz, soit 25’200 alt/h.

Exclusif: Accurat Swiss - Opération K1 Exclusif: Accurat Swiss - Opération K1

L’idée centrale est d’en faire une plateforme qui puisse très facilement se décliner en 18 configurations différentes, divisées en trois familles: la famille des grandes dates, celle des petites dates, et celle sans date. Petite ou grande date sont positionnées à 3h, indication de réserve de marche à 6h, seconde centrale ou petite seconde à 9h.

Le grand avantage de cette plateforme modulable est la grande flexibilité qu’elle offre. La grande majorité des composants, communs aux 18 configurations possibles, peuvent donc être produits en grandes quantités. Seuls les composants spécifiques aux différentes versions – petite seconde, seconde centrale, réserve de marche, petite ou grande date - sont fabriqués puis préassemblés en modules spécifiques. Une fois contrôlés, ils viennent se monter directement sur la platine de base, déjà assemblée, réglée, contrôlée et stockée.

Exclusif: Accurat Swiss - Opération K1

Cette organisation typiquement industrielle offre effectivement de nombreux avantages. Le fait que la construction de base puisse se décliner en 18 versions , permet de répondre aux demandes des clients dans une logique de flux tendu qui permet réactivité, rapidité, souplesse. Sans compter les économies d’échelle réalisées qui ajoutent à la compétitivité du produit final.

Et du fait de l’architecture du mouvement commune à toutes les versions, le service après-vente s’en trouve aussi grandement facilité. Ce qui n’est pas un mince avantage à l’heure actuelle, que ce soit pour le client final, le détaillant, la marque ou le fabricant.

Prochaine étape, Accurat Swiss est sur le point de lancer une première présérie de 1’000 pièces. Les retours d’expérience de cette présérie décideront de la hiérarchie des investissements encore à venir. Une affaire, donc, à suivre de très près dans cette période de disette qui s’annonce.

A lire dans Europa Star n°320 l’interview de Stéphane Kussmaul

Source: Europa Star August - September 2013 Magazine Issue