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Europa Star Première – D’AJS à Chevrolet

August 2010


Europa Star Première – D'AJS à Chevrolet

En 1998, André et Josette Saunier créent AJS-Production. Aujourd’hui, installée dans une nouvelle usine à Porrentruy, AJS détient un impressionnant portefeuille de 220 clients, dont tous les grands noms de l’horlogerie, du haut du moyen de gamme au haut de gamme, voire au très haut de gamme (nous pouvons en attester directement pour avoir vu les pièces en question en production). Pour ceux-ci, AJS produit cadrans, aiguilles, lunettes, boîtiers, boucles, masses, bracelets caoutchouc, ou encore des pièces de précision comme balanciers, roues dentées, pivots d’aiguilles, vis, couronnes, poussoirs, mais aussi des spécialités comme des capsules luminescentes brevetées, voire des mécanismes additionnels à l’image du très intéressant semainier conçu et réalisé pour Cuervos y Sobrinos. Enfin, AJS fait aussi du montage, de l’emboîtage ou du rhabillage de boîtes, de la décoration, du perlage et du gravage.

Polyvalences
C’est donc une entreprise extrêmement polyvalente, comme en atteste à la fois son organisation spatiale très fluide et les compétences croisées de ses employés. “Ici, nous n’avons pas d’ouvriers”, déclare André Saunier, “nous n’avons que des responsables.” Une affirmation corroborée par les intéressés eux-mêmes Et grâce à cette responsabilisation généralisée et à une direction décontractée, il règne d’ailleurs dans ces locaux une ambiance tout à fait extraordinaire et très conviviale. Ce qui n’empêche pas, bien au contraire, l’efficacité et renforce la réactivité.

Europa Star Première – D'AJS à Chevrolet

Sous-traitant direct ou parfois “sous-traitant de sous-traitant”, comme s’en amuse André Saunier, AJS Productions a toujours été autofinancé, à part le leasing de son très performant parc de machines. Parmi celles-ci on a pu voir une nouvelle fraiseuse 5 axes Chiron, capable de traiter aussi bien les platines que les pièces d’habillage, ou une très performante et tout aussi polyvalente machine à usinage ultraprécis par électroérosion à fil. “La crise a un avantage,” nous glisse André Saunier, “les machines sont vendues aujourd’hui à 50% de leur prix.” Et puisqu’on évoque la fameuse “crise”, on demande à André Saunier quel est son sentiment, après le premier semestre 2010: “Depuis 12 ans, chaque année on augmentait notre chiffre d’affaires de 20%. A l’été 09, alors que ça chômait un peu partout, on en était encore à + 18%. Et puis, à partir d’octobre, novembre 2009, ça a baissé drastiquement: moins 40%. Aujourd’hui, on se met à nouveau à tourner, mais tout ce qui a été signé à Bâle n’a pas toujours été confirmé. L’horlogerie est devenue une histoire de marchands de tapis!”

De l’autre côté du paravent
Un fin “paravent” sépare AJS Productions de la marque horlogère Louis Chevrolet. André et Josette Saunier ont sauté le pas il y a 6 ans maintenant. Créer leur propre marque les démangeait et on peut le comprendre facilement: tout ou presque de leur formidable appareil de production, si polyvalent, précisément, pouvait facilement être mis à contribution. “On a eu à la fois de la chance et on a fait preuve de naïveté”, explique André Saunier, “car, au fond, une marque ne vaut que ce que vous en faites. Et nous nous sommes rendus compte que les territoires de chasse respectifs étaient très bien gardés. Mais bon an mal an nous montons en puissance et notre offre gagne en cohérence et en profondeur.”

Europa Star Première – D'AJS à Chevrolet

Il faut dire que l’histoire est belle. Louis Chevrolet, qui a donné son nom à la célèbre marque automobile américaine, était un enfant du pays, né le 25 décembre 1878, fils d’un très modeste horloger. C’est dans l’atelier de son père qu’il s’initiera à la mécanique. En 1900, il tente la grande aventure américaine, émigre d’abord au Canada puis aux USA. La suite appartient à la légende: il devient mécanicien sur automobiles, puis pilote. Au volant de ses machines, il va remporter bien des compétition parmi les plus importantes, pulvérise les records et devient célèbre à travers tout le pays. Il travaille chez Buick puis, avec le millionnaire William Durant, crée en 1911 la “Chevrolet Motor Company.” La suite de ses aventures sera plus difficile: il claque la porte de Chevrolet, revient à la compétition avec ses fameuses “Frontenac”, regagne la célébrité avec son frère qui se tue à la veille de devenir champion d’Amérique 1920. Il se consacrera ensuite à l’aviation jusqu’à ce que la crise de 1929 mette fin à ses ambitions. Il tombe malade en 1934 et s’éteint en 1941.

Une naissance épique
Comment la marque qui porte son nom est-elle née? “Un jour, un gars vient vers moi et me propose de prendre la marque ’Louis Chevrolet’. J’ai mis 10 secondes à me décider et je l’ai immédiatement déposée en Suisse, aux USA, en Europe, en Chine, à Taïwan... Il y a eu 87 oppositions, dont la Général Motors. Mais la GM ne possédait rien sur Louis Chevrolet, pas une archive, pas une seule photo. Leur co-fondateur! Ils voulaient faire un bouquin, alors ils m’ont contacté directement, car ils savaient que j’avais tous les droits sur les photos de Louis. Je leur donne le droit de reproduction, ils font le bouquin, un jour je croise des haut-responsables de Chevrolet, je leur offre une montre que j’avais déjà montée, leur signale qu’il y a 87 oppositions. Quelques temps après, je le croise à nouveau sur le circuit de Manicourt et ils me disent que c’est ok, toutes les oppositions ont été levées grâce à leur armée d’avocats!”

Frontenac
La première collection consacrée à Louis Chevrolet porte logiquement le nom de sa célèbre voiture de course, la Frontenac. Ce sont des montres essentiellement sportives, d’un style qu’on peut qualifier de “néo-rétro”, faisant la part belle à quelques signes identitaires forts – le 8, chiffre fétiche de Louis Chevrolet, les lauriers, la carrure cannelée - et qui évoquent les compteur de bord des voitures du siècle passé. Parmi celles-ci, citons la Frontenac 7100, un puissant chronographe mécanique (ETA 7750) de 43mm en acier, étanche à 100m, ou, en 45mm, l’édition limitée Frontenac 7500, dotée d’un cadran structuré très contemporain. Mais la marque offre également des modèles plus urbains, pourrait-on dire, motorisés mécanique ou quartz, comme la Frontenac 5500, sur quartz, dotée d’une grande date et d’un semainier rétrograde ou la plus sobre et très élégante automatique Frontenac 9500, voire même la très jolie Frontenac 10500, modèle féminin raffiné équipé quartz. En attendant l’étonnante “concept watch” Frontenac Driver, fusion encore jamais poussée à ce point entre automobile et horlogerie.

Europa Star Première – D'AJS à Chevrolet FRONTENAC 10500

“Never give up”
Aujourd’hui, Louis Chevrolet produit environ mille pièces par an, “mais nous avons la capacité de passer rapidement à 2’000 pièces”, précise aussitôt André Saunier. “Notre rapport qualité/prix est excellent, avec une offre qui s’étage d’environ 700.-CHF pour du quartz à un maximum de 6’000.- CHF pour une chronographe automatique décoré et fini dans les règles du haut de gamme, la moyenne s’étageant entre 1’000,. et 2’500.- CHF. Mais,” ajoute-t-il aussitôt, “notre distribution est particulière. Nous avons d’importants contrats de distribution avec les USA et la Russie, sommes un peu présents en France et en Espagne mais n’avons aucun magasin en Suisse. Dans notre propre pays, nous nous sommes heurtés au fameux plafond de verre qui verrouille la distribution. Qu’à cela ne tienne, en attendant, nous écoulons environ 600 montres par an en vente directe dans notre usine!”

Europa Star Première – D'AJS à Chevrolet FRONTENAC 7500

“Never give up” était la devise de Louis Chevrolet. Une devise reprise en choeur par la famille Saunier – le fils Anthony est directement responsable du développement technique et du design – et qui trouve ici son plein écho.

Source: Europa Star Première Vol.12, No 4