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Edito: Minimalisme maximal

March 2011


Le temps étant en forme de spirale, c’est à dire revenant toujours sur son abscisse mais pas sur son ordonnée (ou le contraire, comme vous voudrez), on retrouve toujours les mêmes tendances mais toujours un peu différentes. L’extra-plat, puisqu’il s’agit de lui, des années 2011 n’est pas tout à fait le même que celui des années 60 du siècle passé. Essayez seulement de revenir précisément dans l’empreinte exacte que vos pas ont laissé sur la neige ou sur le sable...

Edito: Minimalisme maximal

Se fondant sur l’expression de l’architecte Mies van der Rohe, “less is more”, le minimalisme artistique des années 60 apparaît en réaction contre la subjectivité, contre la surcharge émotionnelle, contre l’ornementation qui prévalaient auparavant. On pourrait ainsi dire que, l’Histoire bégayant, le nouveau minimalisme horloger apparaît aussi en réaction contre la surcharge stylistique et le délire ornementalo-mécanique des années précédentes. Trop d’excès tuant les excès, on en reviendrait naturellement à une plus grande simplicité, comme un homme écœuré après un repas trop riche.

Pour analyser ce retour à la frugalité stylistique, on a brandi beaucoup de raisons si ce n’est d’explications, à commencer par la “crise”. Mais les horlogers ont presque toujours évoqué cette crise comme si elle n’avait rien à voir avec eux, comme si c’était une fatalité qui leur était tombée dessus sans crier gare. Erreur, pensons-nous, car l’horlogerie, comme bien d’autres secteurs de l’activité, a par ses propres excès nourri le terreau de la crise. Si ce sont bel et bien les financiers qui ont déclenché la crise par leurs agissements plus proches du casino que de la saine gestion, ceux-ci ont évolué dans un univers plus large qui a permis cela, qui les y a poussé.

A sa façon, l’horlogerie est un beau miroir tendu à la société. Plus gros, plus extravagant, plus voyant, plus lourd, plus cher ont été les mots d’ordre que tout le monde a peu ou prou suivis, pas seulement les financiers. Voyant que le sol se dérobait d’un coup sous leurs pieds, les horlogers se sont alors retournés.

Et, comme un seul homme, ils ont décrété que les temps de l’excès étaient terminés, qu’il fallait revenir à plus de mesure. Ils se sont donc tous tournés comme un seul homme vers ce qu’ils ont imaginé pouvoir être leur nouvelle planche de salut: après le maximalisme, vive le minimalisme. Le temps nécessaire à la création de nouvelles collections se comptant au minimum en longs mois de gestation, voici que ces nouvelles collections “fit” parviennent à maturité toutes en même temps, c’est à dire aujourd’hui, plus de deux ans après les faits. Mais la simultanéité de cette irruption de propositions trois aiguilles et petites secondes crée un brouillage des messages. Si, dans la communauté horlogère, on sait bien qui a la véritable légitimité de la minceur et qui ne l’a pas, qui est dans la continuité et qui cherche simplement à profiter de l’opportunité, le grand public le sait beaucoup moins. A maximaliser l’offre minimaliste, on court à nouveau les mêmes dangers. Car l’homme mis trop longtemps au pain sec et à l’eau sera à son tour écœuré et, à son tour, voudra passer commande d’un repas plus copieux. Mais en attendant le prochain retournement, qui ne saurait trop tarder, savourons lentement notre plaisir des mets frugaux, celui de la pure saveur d’un produit dépourvu de sauces et d’apprêts sophistiqués. Et, entre nous, quoi de plus beau qu’une montre dans son plus simple appareil.

Photo: ‘The minimalism superhero’ (Source: wlppr.com)

Source: Europa Star Première Vol.13, No 1