premiere


De Bethune, dix ans et douze calibres plus tard...

December 2011


Depuis dix ans, c’est à dire depuis 2002, date de la fondation de la marque, De Bethune était animée et pilotée par ses deux co-fondateurs, David Zanetta, Président, et Denis Flageollet, Directeur technique. Deux hommes parfaitement différents – un esthète, designer, artiste et collectionneur, au goût sûr comme seule l’Italie sait en produire, et un horloger pur et dur, épris de recherche et de liberté - et totalement complémentaires, qui sont parvenus à imaginer et créer ensemble une horlogerie à nulle autre pareille, immédiatement reconnaissable, qu’on pourrait résumer avec une de leurs formules: "une vision d’avant-garde de l’horlogerie traditionnelle." Mieux que ça: discrètement, patiemment, avec une grande constance et une vision très claire du chemin à parcourir, ils se sont dotés d’un outil de production étonnant pour un indépendant, soit une véritable manufacture intégrée à un niveau que beaucoup pourraient leur envier: De Bethune fait tout, organe réglant compris, à l’exception du verre saphir et des peaux.

De Bethune, dix ans et douze calibres plus tard... David Zanetta, Denis Flageollet et Pierre Jacques

En janvier 2011, il y a à peine une année, un troisième homme a rejoint le duo original: Pierre Jacques, ex éditeur (du magazine horloger GMT), ex détaillant (à la direction des Ambassadeurs, à Genève), passé “de l’autre côté de la barrière” et désormais CEO de De Bethune. Un CEO sur lequel les deux fondateurs de la marque ne tarissent pas d’éloge. Doté d’un sens certain du contact, sachant aussi être diplomate quand c’est nécessaire, excellent connaisseur du terrain et du terreau horloger, Pierre Jacques assume sa nouvelle mission avec grande confiance, persuadé qu’il est que les qualités intrinsèques de sa marque sauront s’imposer dans l’environnement âprement disputé de la distribution. Discussion à bâtons rompus entre Europa Star, Pierre Jacques et Denis Flageollet.

Europa Star: Pourquoi un détaillant prendrait-il aujourd’hui la marque De Bethune dans ses vitrines?

Pierre Jacques: Pour bien des raisons, mais essentiellement parce que De Bethune ne ressemble à rien d’autre et que ses produits de haute qualité se reconnaissent immédiatement. Parce que nous tenons un discours essentiellement horloger et que nous jouons la carte des détaillants qui, comme nous, sont indépendants, savent ce que ça signifie et s’engagent pour le long terme. Parce que nous sommes une manufacture intégrée et qu’aujourd’hui cette autonomie est garante de sécurité de l’approvisionnement et de contrôle du produit.

Denis Flageollet: Et parce que nous faisons des objets qui peuvent avoir, pour certains, une allure très avant-gardiste mais qui sont avant tout des montres, riches de vraies qualités horlogères: lisibles, relativement pures, pleines d’émotion et fortes de sensations.

ES: Mais quelles sont les résistances rencontrées... s’il y en a?

PJ: A tous ces arguments de bon sens, on nous oppose encore parfois un manque de visibilité. Jusqu’à présent, tout l’investissement est allé à l’outil de production, à sa stabilité et à la recherche et au développement. Ce qu’il y a à l’intérieur du paquet est plus que légitime, en termes horlogers, mais l’emballage, le marketing, n’est pas encore à la hauteur, pourrions-nous dire. Mais les choses viendront en leur temps, les investissements en communication aussi, sans stress, mais avec constance. Les détaillants chez lesquels nous sommes figurent tous parmi les meilleurs et les plus prestigieux de leurs marchés respectifs. Et c’est ainsi que nous allons continuer à progresser: en allant que chez les meilleurs. Mais imaginez, nous n’avons pas besoin de milliers de vitrines: aujourd’hui, nous manufacturons 250 pièces par an. Et notre objectif est de très graduellement parvenir à 500 pièces, d’ici trois ou quatre ans.

ES: 250 pièces, au prix moyen de...?

PJ: Environ 40’000.- CHF ex-usine, donc aux alentours de 80’000.- CHF en sell-out. Faîtes vos calculs.

DF: Ces dix ans d’existence ont été avant tout consacrés au développement d’une ligne complète de mouvements. Aujourd’hui, nous avons 12 calibres maison et présenterons à Bâle un nouveau calibre chronographe à 36’000 alternances/heure, dont une version avec tourbillon. Mais j’aimerais insister sur un point central à mes yeux: nous savions dès le départ très exactement où nous voulions aller, ce que nous voulions faire. Cette vision forte nous a dissuadés de prendre d’éventuelles fausses pistes dans lesquelles, sans cette vision, nous aurions pu nous engouffrer. Dans ce dispositif, notre pôle de recherche et développement est fondamental. Ils nous a permis d’explorer en profondeur des champs d’expérimentation, comme sur les très hautes fréquences, par exemple. En 2005 déjà, nous avions une pièce qui tournait à 72’000 alt/heure sur spiral silicium. De l’expérimental pur. Mais nous n’en n’avons pas parlé, nous ne recherchons pas les effets d’annonce et ne communiquons que sur ce que nous sortons au grand jour.

De Bethune, dix ans et douze calibres plus tard... DB 25 QP, DB 28, DREAM WATCH IV

ES: Stylistiquement, vous avez toujours fait cohabiter deux lignes fort différentes, une ligne classique – les DB25 – et une ligne avant-gardiste – les DB28. Pourquoi cette dichotomie?

DF: Pour nous, “jouer du classique”, c’est comme faire ses gammes pour un pianiste qui vise la virtuosité. Le classicisme a ses règles, qu’il impose, ses codes bien précis, et faire du classique est, quoi qu’on en dise, toujours beaucoup plus difficile que de faire une montre très contemporaine. Pour maintenir cette pression horlogère, nous faisons donc chaque année une montre classique, à l’image, par exemple, de la DB25T, avec son tourbillon dissimulé à l’arrière de la montre, un cadran classique, de l’argent très pur et du titane, une sensation comparable à ces grands régulateurs du XVIII ème siècle. Mais par ailleurs, nous donnons en parallèle une interprétation très contemporaine de notre maîtrise classique, avec des pièces fortes, à l’identité formelle très marquée, un style qui nous appartient intégralement. Nous allons même plus loin avec les Dream Watch, ces montres-concept, du point de vue technique et esthétique, que nous sortons aussi régulièrement. Ces dernières nous donnent parfois l’impression d’être vraiment en avance, voire parfois incompris. Mais nos propositions classiques remettent les choses à leur place, si l’on peut dire.

ES: Vous présentez une nouvelle coque pour iPhone. Une “diversification”?

PJ: Non, pas du tout. C’est une exploration formelle, ça nous permet aussi de tester beaucoup de choses, mécaniquement ou esthétiquement. De Bethune est comme un grand laboratoire et il est parfois intéressant de tester à l’extérieur ce qui se mitonne à l’intérieur.

DF: Nous avions déjà présenté un concept de “coque” à Bâle 2011, mais d’aspect très classique. Ici, nous avons choisi la forme plus futuriste. D’un côté vous avez un magnifique et simple garde temps mécanique avec une réserve de 6 jours, – que vous pouvez aussi ôter de son logement et porter comme montre de poche – et de l’autre un iPhone et toutes ses applications contemporaines. Vous réunissez “le meilleur des deux mondes”. C’est comme la vraie montre de poche du XXI ème siècle. Et stylistiquement, cette coque aux lignes très travaillées, parfaitement réminiscentes des formes de nos montres contemporaines, nous aide à pousser encore plus loin nos parti-pris esthétiques.

PJ: Et vous découvrirez ce printemps de nouvelles propositions sur lesquelles nous ne voulons pas nous étendre à présent. Mais sachez seulement que nous présenterons notamment un Maxi-Chronographe à 5 aiguilles et 36’000 alt/heure, dont nous avons entièrement repensé le mouvement, et un autre produit dont nous nous réservons la surprise.

Source: Europa Star Première Vol.13, No 6