premiere


Edito - Le Swatch Group contraint de rouvrir les portes de ses “supermarchés”

August 2013


Mi-juillet, au milieu de la torpeur estivale et alors que les horlogers s’apprêtaient à enfin perdre du temps – ou à prendre du bon temps - qui au bord de la mer, qui en montagne, la désormais fameuse COMCO (Commission suisse de la concurrence) a créé la surprise. Contrairement aux recommandations de son propre secrétariat qui avait patiemment négocié avec le Swatch Group la diminution progressive des livraisons de ses très stratégiques assortiments (l’ensemble balancier-spiral), la direction de la COMCO a tranché dans une toute autre direction en refusant toute réduction de livraison. Dès le 1er janvier 2014, le Swatch Group devra à nouveau fournir ses assortiments à qui en fera la demande, sans aucune restriction. Par contre, la réduction prévue des livraisons de mouvements mécaniques terminés est acceptée – moins 10% en 2014. Mais ses termes précis, qui figuraient dans l’accord global, devront être revus.

Edito - Le Swatch Group contraint de rouvrir les portes de ses “supermarchés”

Pour le Swatch Group, qui officiellement s’annonce “déçu” par la décision, c’est un revers stratégique. Pour les autres marques, c’est un ballon d’oxygène. En effet, au moment où Swatch s’apprête – cet automne - à lancer commercialement son nouveau Sistem51 (ce très innovant mouvement mécanique composé de 51 éléments et d’une seule vis), les indépendants pouvaient craindre d’être sérieusement pris en tenaille, attaqués en même temps par le “bas” avec le Sistem51 et par le “haut” avec la raréfaction des livraisons d’assortiments. Ils peuvent désormais respirer un peu mieux, car “cette décision donne du temps aux fabricants de mouvements, comme Soprod, Sellita ou La Joux-Perret pour se retourner”, commente Alain Spinedi, patron de Louis Erard et un des fers de lance de la lutte qui a été menée auprès de la COMCO pour contrer les intentions du Swatch Group.

Mais ce répit ne doit pas devenir un oreiller de paresse. Nick Hayek a raison de répéter partout que la disponibilité des mouvements ETA et des assortiments Nivarox, qui représentent environ 90% à 95% de l’ensemble des assortiments produits, a trop longtemps permis aux autres marques de repousser leurs investissements industriels dans ce domaine. Or, la bonne santé à long terme de l’horlogerie suisse exige une poursuite de sa réindustrialisation.

La semaine suivant cette décision de la COMCO, une autre annonce a marqué les esprits: les exportations horlogères vers l’eldorado chinois ont reculé de 18.7% pour le premier semestre 2013, celles vers Hong Kong baissant de 11.1%. Et dans cette baisse, ce sont avant tout les montres en or qui sont touchées, bien plus que celles en acier. S’il faut y voir un effet direct des politiques chinoises stigmatisant le luxe apparent, peut-être est-ce aussi le signe de la fin d’une certaine époque de faste sans frein. La bataille est-elle en train de se recentrer vers une offre un peu plus modeste qu’auparavant? Quoi qu’il en advienne, l’effort d’industrialisation est d’autant plus nécessaire en vue du long terme. Le “répit” ainsi accordé par la COMCO donne à tous les acteurs le temps d’enfin s’organiser et d’investir pour assumer leur autonomie. Le “supermarché” entrouvre à nouveau ses portes mais avant que de s’y ruer pour constituer des stocks, les “clients” feraient bien de réfléchir sérieusement à leur futur.

Source: Europa Star August - September 2013 Magazine Issue