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Au XXIème siècle, où en est l'horlogerie mécanique?

September 2004





En ce début du XXIème siècle, une merveilleuse “anomalie” subsiste au poignet des élites du monde entier: la montre mécanique. Une technologie en-soi dépassée. Une technologie compliquée à réaliser, coûteuse, nécessitant soin et entretien et dont les performances en terme de précision sont de loin dépassées par le quartz. Et pourtant!

I

l faut croire que la montre mécanique, de par son succès qui ne se dément pas – au contraire, qui se renforce d'année en année – transmet des “valeurs” dont le froid quartz ne parvient pas à être porteur.
Avec le quartz, le temps a quelque chose d'objectif. Le temps y est scientifiquement décompté en fractions mesurables et incontestables. Il n'est plus midi ou minuit, il est 11h59'59'' ou 24h01'01''. Et qui s'en soucieı
Avec l'horlogerie mécanique, dont la précision varie toujours de quelques secondes à quelques minutes, le temps est en quelque sorte “flottant”. Et ce faisant, il est plus proche de nous, il n'est pas toujours identique, il correspond à notre perception, il est plus “intime”. Une horloge mécanique ressemble un peu à notre propre horloge biologique. Le temps mécanique a donc une “âme” que le temps électronique n'a pas.

Un autre facteur qui joue en faveur de la montre mécanique tient à son imaginaire. Si nous sommes désormais bel et bien passés à une nouvelle ère, l'ère numérique, notre imaginaire n'a pas (encore) suivi. L'Homme du XXIème siècle continue à s'imaginer lui-même comme le faisait l'Homme de la Renaissance: comme une sorte de mécanique “céleste”. Certes, nous comparons parfois notre propre cerveau à un “disque dur”, ce qui aurait été encore impensable il y a dix ou vingt ans, mais ce sont les vieilles métaphores mécaniques que nous employons toujours pour nous décrire et ce qui subsiste de nous après notre mort est un assemblage de pièces mécaniques: notre propre squelette, qui n'est certes pas constitué de rouages mais néanmoins de “ponts” et d'articulations.
Une montre mécanique, sorte de “squelette” animé à notre poignet, nous ressemble symboliquement plus qu'un assemblage de circuits imprimés.

Autre facteur d'importance jouant en faveur de la montre mécanique, facteur social celui-ci, est son prestige. Une montre quartz, même en or, même emballée dans de sublimes diamants, aura toujours quelque chose d'un peu banal ou d'inaccompli.
Il lui manque la noblesse et “l'intelligence” de la main de l'homme. Elle est privée de cette valeur ajoutée spécifique, seulement partiellement quantifiable, de cette personnalisation que possède idéalement la montre mécanique. Une montre quartz reste en quelque sorte “anonyme”. Une montre mécanique de Haute Horlogerie cumule quant à elle les strates de prestige: prestige de la marque, prestige des matériaux employés et prestige de l'intérieur, prestige du mouvement.

L'Age d'Or de la CNC
Au cours de son histoire, qui remonte aux premières horloges mécaniques à poids apparues vers 1370, l'horlogerie a connu plusieurs Ages d'Or: de 1750 à 1800 quand les prouesses et inventions se succèdent (détermination des longitudes par Harrison, calibre à pont par Lépine, remontage automatique par Perrelet, tourbillon par Breguet); puis à partir de 1850 quand la mesure du temps se mondialise.
Le nouvel Age d'Or que nous vivons présentement est apparu dès le milieu des années 1980 avec la renaissance progressive de la montre mécanique, qu'on avait crue, après l'avènement du quartz, vouée aux oubliettes de l'Histoire.
On peut à présent affirmer que jamais les montres mécaniques n'ont été aussi précises et fiables qu'aujourd'hui. Nous assistons même à une floraison inédite de complications, d'inventions et de perfectionnements. Certes, nous vivons toujours sur les bases théoriques et pratiques édifiées au cours des siècles précédents, soit dans une horlogerie définie par Huygens et Breguet, mais nous sommes parvenus à un point extrême de raffinement mécanique, jamais atteint auparavant.

Ces nouvelles performances ont été accomplies grâce aux technologies numériques: principalement aux machines multi-fonctions à commande numérique. Elles ont permis de réaliser des opérations industrielles répétitives au micron près. Elles ont autorisé de nouveaux perfectionnements, impensables auparavant, souvent décisifs même s'ils ne sont pas toujours et systématiquement spectaculaires.

Les dents de Patek Philippe
Un seul exemple: pour sa nouvelle famille de calibres, les 324, Patek Philippe a mené une recherche portant sur la diminution de l'effet d'entraînement du train de rouages. Pour y parvenir, les ingénieurs de la maison genevoise ont redessiné entièrement les profils de la denture de ces rouages. Cette recherche, dont le but final est l'amélioration de la marche du mouvement, et qui a nécessité plusieurs années, n'aurait jamais pu être accomplie sans l'aide des machines CNC les plus pointues, car les tolérances du nouveau profil sont extrêmes et le profil même des dents ne saurait être taillé autrement que par ces machines. “Cette optimisation garantit une transmission constante de l'énergie, quelle que soit la profondeur d'engagement des différents rouages. Elle a donc un effet directement positif sur l'amplitude du balancier (auparavant une variation de 22°, soit 10%, contre une variation de 11°, soit 5%) et donc la marche du mouvement”, explique-t-on chez Patek Philippe.

Les fondations de ce nouvel Age d'Or tiennent donc non pas tant entre l'alliance, somme toute traditionnelle, entre ce qu'accomplit la machine et ce que termine la main de l'artisan, mais plutôt grâce à l'esprit de la tradition horlogère appliqué à l'utilisation poussée des potentialités nouvelles offertes par la machine.


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Le nouveau calibre 324 de Patek Philippe avec ses nouvelles ‘dents’.

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The MONACO V4 CONCEPT de TAG Heuer


La main du Maître horloger
L'excellence atteinte aujourd'hui par l'horlogerie mécanique reste néanmoins confinée dans une conception du mouvement dont les racines demeurent profondément ancrées dans l'horlogerie classique telle que définie dans ses grandes lignes dès le XVIIème siècle: un ressort de barillet qui alimente la puissance, un échappement qui transmet les impulsions et un balancier oscillant qui divise le temps. Le tout étant transmis et répartis par des rouages.

Une des premières véritables tentatives de sortie de cette horlogerie classique est celle de la montre concept Monaco V4 dont nous avons abondamment parlé dans notre édition précédente.
Certes les rouages ont été remplacés par des courroies crantées, certes la masse oscillante est devenue un “chariot” au mouvement linéaire, mais le “cœur” du système de régulation du temps, avec son balancier à ancre des plus classiques, reste encore du domaine de la “vieille” horlogerie.
Pour longtempsı
Quelques indiscrétions m'ont permis d'apprendre que de nouveaux systèmes de régulation, assez spectaculaires et totalement novateurs, risquent bien de voir le jour dans l'année ou les années qui viennent. On s'apprêterait donc à sortir progressivement de l'horlogerie Huygens/Breguet.
Mais la “vieille” horlogerie, comme la “vieille Europe” n'est pas prête de baisser les armes. En témoigne d'ailleurs, anecdotiquement, les ultimes réglages de cette fameuse Monaco V4. Comme nous l'a expliqué Philippe Dufour, c'est avec une antique machine du XIXème siècle, actionnée à la main, qu'il a enfin réussi à faire fonctionner le prototype le plus futuriste de l'horlogerie mécanique contemporaine! Comme quoi, on ne saurait se passer du savoir-faire le plus ancestral, ce qui, somme toute, est réjouissant.

Tout n'a pas encore été fait
“Tout a été fait”, entend-t'on souvent dire à propos de l'avenir de la montre mécanique.
A elle seule, la Monaco V4 Concept démontre le contraire, ouvrant (grâce, notamment à l'exceptionnelle force que ses 4 barillets dégagent) de nouvelles pistes qui restent encore à explorer. Mais d'autres voies s'ouvrent aussi, plus “larges” que la seule amélioration de la tradition.
On pense notamment à la Bugatti de Parmigiani (cf notre article dans ce numéro) ou aux propositions faites par Vianney Halter avec son Opus III pour Harry Winston. Avec son affichage numérique entièrement mécanique, l'Opus III (présentée à Bâle 2003) innove sur plusieurs plans. Au niveau du mouvement, d'abord, si le mécanisme du temps, avec double barillet, train de rouages, échappement, roue de balancier reste traditionnel, sa disposition physique, de la platine aux engrenages, a été entièrement repensée. D'autre part, le mécanisme des fonctions est lui totalement inédit, composé de 10 disques superposés qui affichent heures, minutes et secondes dans des guichets distincts. Enfin, l'innovation porte aussi sur la boîte, conçue comme un conteneur, et sur la couronne unique horizontale, qui se déplace de haut en bas pour quatre positions de réglage (1er cran, remontage, 2ème cran, minutes, 3ème cran heures, 4ème cran, date).

Les satellites horaires
Autre piste, explorée, elle, par Felix Baumgartner de la marque indépendante Urwerk avec son UR-103. Là aussi, pas d'aiguilles mais quatre disques horaires en forme de cônes qui affichent chacun 3 heures différentes. Ces cônes horaires sont maintenus et guidés par un élément rotatif conduit par la roue des minutes. Ils apparaissent dans un guichet ouvert vers le porteur de la montre et glissent le long d'une échelle des minutes. Si le tout reste animé par un mouvement à remontage manuel ETA 21600 tout à fait traditionnel, l'innovation porte non seulement sur l'affichage lui-même, qui évoque la course naturelle du soleil sur l'horizon, mais aussi sur un mécanisme satellitaire inédit dont les applications futures sont encore à découvrir.
Proche de la même recherche d'affichage différent, les heures, et désormais les dates “vagabondes” imaginées par Vincent Calabrese et maintenant mises à disposition d'un public plus large grâce à la nouvelle marque NHC (pour Nouvelle Horlogerie Calabrese). L'heure sautante est affichée dans un petit guichet qui fait le tour du cadran, indiquant au passage les minutes, alors qu'une seule aiguille, pour les secondes, figure sur le cadran. Ce même principe appliqué parallèlement à la date est une première mondiale.
Calabrese, dans sa montre Beauty-Fuel qui, comme son nom l'indique, s'inspire de l'automobile et présente une réserve de marche conçue comme la jauge d'un tableau de bord, innove également dans un autre domaine: une seule couronne permet de régler toutes les fonctions de sa montre - heure, minute, secondes, date, seconde zone horaire.


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OPUS III de Vianney Halter pour Harry Winston
OTTICA de Vincent Calabrese


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The UR-103 de Uhrwerk


Les recherches de Renaud & Papi
Renaud & Papi, qui appartient à Audemars Piguet, a sorti il y a deux ans la spectaculaire Royal Oak Concept. Cette montre combine plusieurs innovations qui témoignent des différents champs de recherche de Renaud & Papi, véritable laboratoire d'innovation au service d'Audemars Piguet. La recherche métallurgique, pour commencer: la Royal Oak Concept est ainsi la première montre taillée dans de l'alacrite 602, un alliage exceptionnellement résistant (430 vickers contre les 200 vickers de l'acier) composé de cobalt (57%), de chrome (31%), de tungsten (5%) et de traces de carbone, de silicium et de fer.
“Nos recherches métallurgiques sont importantes pour nous”, estime Giulio Papi, en charge du développement de la maison, "car si l'horlogerie possède désormais des machines d'avant-garde, elle travaille toujours avec des métaux devenus obsolètes. Le maillechort était futuriste à l'époque, mais il est désormais dépassé. Nous cherchons actuellement dans les matériaux 'intermétalliques', soit des mélanges de deux éléments métalliques dans des proportions bien précises qui s'agencent pour former une structure cristalline différente de celles des deux éléments d'origine. Ce qui permet à certains alliages d'être par exemple
facilement mis en forme par forgeage, laminage, filage, etc. vers 1000°C, et d'autre part d'être utilisés pour des applications dans l'intervalle 700 - 900°C."

L'échappement ultime
Autre piste de recherche de Renaud & Papi, le développement de ce qu'ils nomment “l'échappement ultime”.
“C'est un mouvement à impulsion directe, ultra simple, qui tourne à 43'2000 oscillations à l'heure, sans huile. Si on l'équipe d'un barillet standard, il a une autonomie de 56 heures, le double de ce qui est normalement obtenu. Son balancier est autorégulé, les réglages d'isochronismes se font à petite amplitude, il est d'une exactitude redoutable, bref, c'est un bijou du futur”, affirme Giulio Papi. Impossible d'en savoir plus pour l'instant. L'échappement “ultime” a passé avec succès la batterie de tests intensifs auxquels il a été soumis et sa mise sur le marché, en 2005 ou 2006, doit faire l'objet d'un “projet global”, impliquant marketing et communication afin de “créer l'événement”.

Au-delà de cet “événement” à venir, Giulio Papi nous explique qu'un des buts principaux des recherches effectuées vise, plus modestement mais tout aussi fondamentalement, à “augmenter encore le niveau des finitions. Il ne s'agit pas de demander à nos artisans de mieux faire, mais d'apprendre à usiner autrement. C'est une recherche qualitative globale.”

Nouveaux matériaux = nouvelle esthétique
La Royal Oak Concept, pour revenir à elle, illustre bien les transformations technico-esthétiques que ces recherches de nouveaux matériaux induisent.
Le mouvement de la Concept est constitué notamment de ponts et d'une platine en titanium. Outre la réduction de l'inertie du mouvement et l'amélioration de sa robustesse, le choix de ce matériau a permis des évolutions esthétiques. La platine, bien visible, est devenue une surface où lire les diverses indications de la montre: un dynamographe, qui indique la précision de marche du mouvement, une réserve de marche linéaire qui s'exprime en termes de tours de barillet, un tourbillon maintenu par un pont en titane en forme de ressort, absorbant les chocs. Dernière innovation: un sélecteur de fonction à trois position (remontage, neutre et correction horaire) ajustable avec une seule couronne placée à 4 heures.
Quand on l'interroge sur la Monaco V4 Concept, Giulio Papi se montre très collégial et fair-play: “Toutes les recherches conceptuelles en horlogerie sont les bienvenues”, affirme-t-il, “car elles sont bénéfiques à l'ensemble de notre industrie. La recherche est la seule façon de conserver l'avance helvétique sur la concurrence asiatique.”

Tout n'a donc pas été fait, et loin de là, comme le démontrent ces quelques avancées, modestes ou spectaculaires.


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The ROYAL OAK CONCEPT de Audemars Piguet


Chimères futuristes
Le soufflé futuriste, qui imaginait il y encore quelques brèves années, que la montre allait se transformer en “plateforme” de communication globale semble bel et bien être retombé. Il y a 4 ou 5 ans, j'avais pu expérimenter, dans les laboratoires du Swatch Group, la “Swatch-téléphone”. Elle fonctionnait parfaitement, sous l'apparence d'une sorte de grosse Scuba, mais elle avait un “stupide” défaut: à moins de porter la montre à son oreille, ce qui est pour le moins inconfortable après 30 secondes (essayez!) tout le monde entendait votre interlocuteur…Et puis après tout, quoi de mieux qu'un téléphone pour téléphoner.

L'impasse, non pas technique mais conceptuelle, de ces recherches a, d'une certaine façon, directement profité à la montre mécanique en remettant “l'horlogerie” au centre du village.

FP Journe passe à l'or
Une autre voie, non pas tant de “recherche” pure, mais d'amélioration constante, est montrée par le passage au mouvement or de François-Paul Journe. Ponts et platine de ses mouvements seront désormais taillés dans de l'or 18 carats, les pignons restant en acier. Le renchérissement induit est de seulement 10% pour le consommateur mais cette amélioration entraîne la nécessaire mise en place d'un circuit de retraitement sophistiqué et le changement de la gamme d'affûtage des outils qui se détériorent plus rapidement au travail de l'or qu'à celui du laiton.
Mais en passant au mouvement or, comme cela se pratiquait dans les montres de poche, Journe se contraint à une amélioration de tous les processus d'usinage et de fabrication, apportant un sursaut qualitatif supérieur.
En fait, à sa façon, c'est là aussi une forme de développement qui légitime encore un peu plus la supériorité de la montre mécanique. Et accessoirement, c'est aussi un pas supplémentaire sur la route de l'indépendance que parcourt Journe. En internalisant la fabrication or de ses ponts et platines, il acquiert une plus grande souplesse et s'affranchit de sa dépendance passée, avec son cortège de problèmes de délais et de livraison. Et il redonne au mouvement horloger une forme de noblesse méritée.

Fuite en avantı
Cette recherche de “noblesse”, avec son corollaire de plus-values, a aussi quelques effets “pervers”. On a pu le constater aux salons de ce printemps avec l'avalanche insensée des tourbillons. On l'a déjà dit et répété, le tourbillon, aussi beau soit-il, est fonctionnellement inutile sur une montre bracelet, car il a été conçu pour abolir les effets négatifs de l'attraction terrestre sur la bonne marche des montres à gousset, c'est à dire portées verticalement dans une poche.

Certaines recherches, comme celles portant sur les tourbillons à double axe peuvent se justifier “théoriquement” du point de vue de la chronométrie de la pièce. Ainsi, avec un double axe, barillet et spiral ne seront jamais dans la même position et ne subiront pas toujours leur propre poids. Par contre un tourbillon triple axe, comme celui de Thomas Prescher, aussi superbe soit-il, reste un tant soit peu inutile car le troisième axe est tout naturellement le poignet du porteur de la montre…
Mais on ne fait pas de l'horlogerie mécanique uniquement pour son “utilité”, n'est-ce pası
Il n'empêche que la folie des tourbillons de cette année ressemble à une fuite en avant à la recherche de la sacro-sainte “légitimité” horlogère qui risque, au bout du compte, de tuer ce sommet de la dextérité horlogère.

Il y a certainement plus à “gagner”, horlogèrement parlant et à long terme, dans la recherche fondamentale, certes moins spectaculaire mais plus “utile” à l'avancée de la chronométrie et de la fiabilité.

Le bien nommé “Autotractor”
Le long terme, c'est bien ce que vise Jaeger-LeCoultre avec son nouveau mouvement “Autotractor”, la famille des calibres 970. Robustesse, fiabilité, facilité d'entretien et de remontage pour une grande précision et d'excellentes performances de marche, tel est le “programme” qui a présidé à sa mise au point. Techniquement, il est la somme d'une série d'avancées, à commencer par son rotor, monté sur des billes céramiques qui glissent sur un rail en inox (plus besoin de graissage), et qui est unidirectionnel. Les ingénieurs de Jaeger-LeCoultre ont en effet réussi à démontrer que le remontage unidirectionnel fournissait, au porter, une énergie bien plus importante que le remontage bidirectionnel. Comme chez Patek Philippe, dont nous avons parlé plus haut, les dents des rouages ont été elles aussi arrondies, facilitant les engrènements et améliorant la transmission du couple. Par ailleurs, ce calibre est équipé d'un nouvel échappement: le balancier à inertie variable et grande inertie (4 Hertz, 28'000 alternances) est maintenu par un pont de balancier vissé de part et d'autre sur la platine. Le réglage de précision s'effectue à l'aide de quatre masselottes disposées sur la partie extérieure de la serge du balancier, ce qui rend inutile la raquette. Les deux extrémités du spiral sont fixés par soudure laser au piton et à la virole et le même spiral est retenu par deux filets qui empêchent toute déformation lors de chocs violents.
Le mouvement est étagé sur plusieurs ponts et demi-ponts de manière à faciliter l'accès aux différents organes lors des services après vente.
Tout donc dans ce mouvement aux généreuses dimensions (230 pièces sur 6,14mm de hauteur) a été conçu en fonction de la simplicité d'usage et de la robustesse.
Peut-être l'Autotractor est-il ainsi le mouvement le plus emblématique, car à la fois novateur et traditionnel, de ce début de XXIème siècle.


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Le mouvement ‘Autotractor’ de Jaeger-LeCoultre
Resonnance de F.-P. Journe



A la croisée des chemins
On le voit bien, la route de l'horlogerie mécanique est à la croisée des chemins. D'un côté s'ouvre l'aventure d'une nouvelle horlogerie mécanique, se dégageant progressivement des dogmes fondamentaux qui ont maintenant régné depuis plusieurs siècles. Mais ces dogmes ont par ailleurs démontré à la fois leur efficacité et leur pouvoir d'adaptation continue. L'autre route horlogère est donc celle de l'amélioration constante de la tradition. C'est une route moins spectaculaire, plus balisée mais qui n'est pas moins facile. Elle réclame des armées d'ingénieurs oeuvrant souvent dans l'ombre à des recherches peu médiatiques sur la lubrification, les matériaux nouveaux ou la forme des dents.
Mais leurs résultats sont là. Comme me le disait un horloger ayant travaillé chez Rolex, “avec un très bon balancier et un très bon spiral, on atteint à une chronométrie qui est imbattable.”